


Chadwick et Ventris ont déterminé des règles que les Mycéniens appliquaient pour écrire leur langue et donné également des clefs d'utilisation des symboles. D'après Chadwick :
" Le principe fondamental [...] est que l'écriture ne note que des syllabes ouvertes : quand deux ou plusieurs consonnes forment un groupe initial de syllabe, le groupe est décomposé, chaque consonne étant notée munie de la même voyelle. Quand une consonne est finale de syllabe devant une autre consonne, initiale de la syllabe suivante, elle est complètement omise. On peut résumer ces règles de la façon suivante.
1. Distinction de cinq voyelles a, e, i, o, u sans notation de la quantité.
2. -u- deuxième élément de diphtongue est noté : a-u, e-u, o-u.
3. -i- deuxième élément de diphtongue est généralement omis : ai, ei, oi, ui, sont notés a, e, o, u. Sauf devant une autre voyelle : -i- apparait alors sous sa forme consonantique -j-. De plus la diphtongue ai est notée à l'initiale des mots.
4. La consonne de transition qui se développe dans la prononciation, entre -i-, -u-, et une voyelle suivante, est généralement notée par -j- après -i-, -w- après -u-. L'écriture alphabétique classique ne note ordinairement pas ces sons.
5. Il y a douze consonnes :
j (=français y) : sert seulement à noter -i-, deuxième élément de
diphtongue (n° 3), ou la consonne de transition après i (n° 4).
w correspond au digamma grec qui a très tôt disparu dans la
plupart des dialectes à l'époque historique. Il se prononce comme
l'anglais w [...].
d-, m-, n-, s-, avec les valeurs du grec historique, en gros
celles du français.
k peut représenter k, kh, g (g dur français : gave).
p peut représenter p, ph, b du classique (ph n'est pas f du français) ;
(on se souviendra que les lettres thêta, khi, phi du grec notent des
consonnes appelées sourdes aspirées : c'est-à-dire les sourdes simples
t, k, p suivies d'un souffle expiré - et non aspiré. Telle était
bien la prononciation dans la Grèce classique, fort éloignée de celle dont
on a pris l'habitude en France [...]).
t représente t et th du classique mais d est distinct.
r représente r et l du classique. Le mycénien ne fait pas la distinction.
z représente le zeta grec, mais sa (ou ses) valeurs(s) phonétique(s)
à l'époque du mycénien reste(nt) encore un objet de discussion.
q [cf. observation dans la table des caractères]. C'est la série
labiovélaire kw, gw, gwh qui n'a pas de signe propre dans l'alphabet classique
parce que ces sons avaient disparu du grec avant son adoption. L'évolution
les avaient transformées, suivant leur position, en gutturales, dentales
ou labiales. Mais on supposait leur existence en grec préhistorique, car on
leur attribue une origine indo-européenne.
6. Il n'y a pas de signe pour l'aspiration initiale (esprit rude) pas plus que les consonnes "aspirées" n'ont de signe qui les distingue des sourdes simples.
7. -l, -m, -n, -r, -s, sont omis dans l'écriture en finale de mot, ou devant une autre consonne : ainsi po-me vaut poimen berger ; ka-ko vaut khalkos bronze ; pa-te vaut pater père. On peut énoncer cette norme surprenante en termes plus scientifiques en disant que seules les consonnes finales admises par le grec : -n, -r, -s sont omises, et que cette pratique s'est étendue aux syllabes intérieures fermées, c'est-à-dire à ces sons placées à l'intérieur devant une autre consonne, et aux autres sons de même classe : -l et -m.
8. A l'initiale, s- devant consonne n'est pas écrit : pe-ma = sperma. Nous avions d'abord étendu cette observation au w initial mais par la suite ceci s'est révélé faux. Cette erreur a pour cause principale un certain nombre d'étymologies fausses, bien qu'accueillies dans les dictionnaires.
9. Dans les groupes "consonne plus w" les deux consonnes sont écrites avec, bien entendu, insertion d'une voyelle : le timbre adopté est celui de la syllabe suivante, -- ou bien -u- entraîné par w : pour xenia (ancien xenwia on trouve ks-se-nu-wi-ja mais aussi ke-se-ni-wi-jo. Dans le groupe -rw-, r est ordinairement omis : ko-wo-, ko-wa ont été étudiés [...] (ko-wo serait ko(r)wo(s) pluriel ko(r)wo(i) ; ko-wa serait ko(r)wa pluriel ko(r)wa(i)). Le groupe -nw- est plus net ; il y a un signe pour -nwa- : le n° 48.
10. Les occlusives (d,t ; p ; k, q) qui précèdent une autre consonne sont écrites avec insertion de voyelle : le timbre choisi est celui de la syllabe suivante, rarement celui de la précédente : ku-ru-so = krusos ; et de même le groupe -mn- : A-mi-ni-so = Amnisos. A la finale, il y a un traitement spécial des groupes : ainsi le son -ks- est écrit ke-se- à l'initiale (cf. supra ks-se-nu-wi-ja) mais à la finale on a wa-na-ka pour le nom du roi (w)anax.
Dans ces écrits plus récents, John Chadwick précise que :
- le signe a2 sert pour noter une aspiration (ha, optionnel) ;
- le signe a3 (ai) est utilisé en début de mot seulement ;
- le signe 85 (au :
) est également limité
à la position initiale ;
- le signe 29 (pu2 :
) a la valeur phu (attention :
ph n'a pas la valeur du f français) ;
- le signe 68 (ro2 :
) se lisait probablement à l'origine rio ;
- le signe
a la valeur two ;
- les signes de valeurs conventionnelles za, ze, zo, se prononçaient probablement avec le groupe dz ou dans certains termes ts ;
- le signe 64 (
) a peut-être pour valeur swi ;
- le signe 82 (
) a peut-être pour valeur swa ;
- "la lettre w rend un son qui a disparu ultérieurement, bien que, dans des
inscriptions archaïques de certains dialectes, il soit écrit avec la lettre F, qui
survécut à travers une étonnante série de transformations pour devenir la lettre
romaine que nous connaissons encore comme f".
Il rappelle également que les "valeurs représentées de doivent pas être prises comme de strictes représentations des sons ; elles sont des notations purement conventionnelles et il est nécessaire de les interpréter pour reconstruire, à partir de cette base, la forme parlée [...] et le lecteur mycénien devait accomplir tout un travail d'interprétation afin de retrouver des mots intelligibles à partir de ce qu'il déchiffrait sur une tablette."


